Françallemagne.La fusion comme réponse à la crise

Par Gilles Rabin et Luc Gwiazdzinski

La crise économique du temps long née avec le choc pétrolier de 1973 ne pourra se résoudre par l’économétrie du court terme mais par une nouvelle philosophie, un nouveau souffle politique s’inscrivant dans le long terme.
Depuis les années 1870 avec les Lois sociales de Bismark, l'Europe continentale est entrée dans l'aire  de l' Etat providence protégeant les plus faibles et annihilant les plus ambitieux, un Etat conservateur freinant les revendications salariales en les précédant, un Etat providence dont les premières fissures sont dues aux duettistes Thatcher –Reegan, n’hésitant pas à mettre en prison ou à laisser mourir de faim des mineurs du black Country. Le capitalisme monétarisé devait passer avec son cortège de réduction d’impôt et d’Etat léger. Qu’importait alors le cout social. Ainsi dans l'Angleterre d'aujourd'hui un infarctus sur la voix publique n'est-il plus traité si la personne a dépassé un certain âge. Le coût social détermine l’espérance de vie.

De l'autre côté de l'Atlantique, l'idée est plutôt "we gamble and we hope" (« nous parions et nous espérons ») avec le moins  d'impôts possibles pour payer le gouvernement et ces "fainéants de fonctionnaires fédéraux" planqués 
à Washington. Pas de pitié pour le voisin nécessiteux: il a parié, il a perdu. Mais  cet Etat léger s'est auto proclamé gendarme du monde et s'est alourdi de charges de centralité avec des dépenses militaires inimaginables dans l'histoire de l'humanité, à la fois moteur économique via le Ministère de la défense irriguant la pseudo technopole de la Silicon Valley mais surtout moteur à déficit financé par l’épargnant chinois.
Quant à la Chine, elle démontre par l’absurde l’erreur  que les tenants du libéralisme voulaient nous faire croire. Le Capitalisme ne rime pas avec démocratie. Mieux, il prospère avec la dictature, ce que les Russes ont compris sous Poutine.

Le  modèle de pensée  est donc  mort et enterré du côté de l’Acropole. Cela a commence par les" tricheurs du fond de la classe" qui ont cru comme l'Irlande se développer en faisant du dumping fiscal, attirant des entreprises au dépend du reste de l’Europe d'un côté et récupérant de l'argent de l'UE de l'autre pour construire de belles infrastructures, ou ceux moins malins comme les grecs qui ne voyaient pas pourquoi il fallait payer des impôts. Le dragon celte et le Grec « Club Med » paient aujourd'hui "cash" leurs visions à court terme.
Cela va finir par les Allemands qui ont déjà compris depuis la réunification, qu'ils ne seront jamais aussi riches que dans les années 80, et qui jouent des espaces de  prospérité et des Hard discounter pour la nourriture de tous les jours.

Donc si l'Etat protecteur est mort, "L'Europe m'a tuer", à l’exemple du père de Madame Aubry sacrifiant la régulation étatique aux forces du marché et promettant des paysages fleuris. L’Europe a cru en la religion de la dérégulation, entrainant la nécessaire privatisation des services publics. L’Europe s’est transformée selon la volonté britanniques en un grand marché où circulent marchandises et hommes mais sans vision politique, où les décisions sont prises à l’unanimité même qualifiée. Il fallait agrandir le marché dans une course vaine à la taille, là où la Chine, l’Inde voire les USA seront toujours plus grand.   Il ne reste plus alors dans une Europe sans frontière et sans idée que le chacun pour soi et la religion à l'américaine pour maintenir un semblant de cohésion sociale : "we gamble and we pary" (nous parions et nous prions)  comme disent les nouveaux pauvres américains qui ont tant perdu à ce jeu où l’argent semblait facile et sans danger.
Faut il encore accélérer cette accélération, jouer la vitesse des ordinateurs où dorment des logiciels construit sur des algorithmes d’anticipation à la baisse, oublier l’Etat, oublier les frontières, grandir encore et se noyer dans le Bosphore ?. Quoi faire face a la catastrophe annoncée ?

Souvenons-nous de la 
mi- juin 1940, quand Churchill proposa un pari fou à l'envoyé spécial du gouvernement français un certain Charles De Gaulle  : la fusion de la Grande Bretagne et de la France. A Bordeaux, Pétain prit le pouvoir et on oublia.
Et si aujourd'hui l'Allemagne et la France tentaient cette aventure sur un projet politique. S’ouvrirait alors une autre ère européenne, une ambitieuse économie alliant industrie et innovation. Un nouvel Etat bi-national, centre de gravité d’une Europe redéssinée. L’Europe se construirait un îlot de stabilité. Comme de la création des Etats Unis, les Etats signeraient un contrat de gouvernement, politique, économique et philosophique ouvert. La crise nous pousse à converger ! C est une sortie possible par le haut. La seule.
L’Allemagne et la France sont nés d’un même berceau, partage le même paysage, développe une industrie puissante autour de l’innovation et d’Universités centenaires. L’Allemagne est le premier client de la France, et la France le premier client de l’Allemagne. La France est forte de ces champions nationaux comme Alstom, Sanofi… et l’Allemagne de ses PME exportatrices. L’Allemagne nous ressemble dans son analyse politique et notre histoire commune de l’après guerre et la construction de ses élites. Le fédéralisme allemand ne contredit pas un Etat fort, et nos régions françaises ont besoin d’un espace de liberté. Un rapprochement serait alors vertueux
La France se compare à l’Allemagne dans sa stabilité et sa rigueur ; l’Allemagne se mire dans la France et son génie. Mariage de passion, la fusion, le contrat de gouvernement unique franco allemand changerait la donne en Europe.
La bateau ivre s’arrimerait et les marchés verraient alors dans cette nouvelle donne l’émergence d’un gouvernement économique impossible à 27 ou même à 12. Ce ne sera plus "sauve qui peut" mais une étape vers un noyau dur européen enfin stable. Car quand la Grèce fera défaut suivi des autres pays méditerranéens, il faudra bien payer, au pire en nationalisant nos Banques pour éviter leurs faillites.
Au commencement était le rapprochement franco-allemand au sortir d’une guerre commencé en 1914 et terminée en 1945. Il devient nécessaire de construire l’Europe sur l’Europe comme on construit la ville durable sur la Ville. Ce mariage, cette fusion n’est pas exclusive mais constitutive d’un nouveau souffle, d’un ancrage à jamais affirmé. Le choix est à la dérive et à la déchéance ou à l’ambition et à la construction. L’Allemagne et la France en ne faisant qu’un redonnerait à l’Europe une raison d’espérer.

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