Les Etats généraux du droit à la fête, premières propositions, décembre 2020 

https://drive.google.com/file/d/1j-vD6oF-Si_SnGGcD-PTHgsoEHmsD1Mv/view

Collectif Culture Bar-bars – Fédération Nationale des Cafés culture


Faire confiance à la nuit

De la pandémie à une politique publique


Luc Gwiazdzinski



« La nuit doit revoir le jour ». Derrière le beau slogan médiatisé se cache la détresse des acteurs de la fête et de la nuit qui s’insurgent depuis des mois contre la fermeture de leurs établissements et craignent l’effondrement. La situation inédite, les difficultés rencontrées et les risques encourus par les acteurs économiques et culturels, nécessitent une mobilisation nationale, qui dépasse l’approche sécuritaire et anxiogène, une mise à l’agenda de la nuit qui ouvre des perspectives en termes d’expérimentations, de droit et de politique publique dans le respect des règles sanitaires. Alors que « tout s’oppose à la nuit », la crise sanitaire est aussi l’occasion de changer de regard sur nos vies et sur nos villes. 


Choc et menaces. Au-delà des discothèques, c’est tout un monde qui vacille et avec lui une partie de notre vie sociale. La nuit est un temps particulier pour la fête et un moment essentiel d’interactions pour nos villes, nos quartiers et nos villages. Quand le couvre-feu s’installe, quand la fête devient impossible, quand les salles ferment, quand les événements sont annulés, quand celles et ceux dont le métier est de favoriser la convivialité, le plaisir et la rencontre sont interdits d’exercer, c’est un secteur économique important, des emplois mais aussi une culture, un art de vivre, un monde, et notre santé mentale qui sont directement menacés. Se rencontrer, partager et s’émerveiller ensemble est vital. Que se passera-t-il si 30% des établissements de nuit disparaissent. Que deviendront nos villes avec leurs nuits vides et en friches ? 


Révélations. Les difficultés ne sont pas apparues avec la crise. Entre liberté et insécurité, la nuit est un monde en mutation permanente. Le poids des réglementations, l’aseptisation de certains quartiers, les cohabitations parfois douloureuses entre usagers et résidents, l’évolution des modes de vie et de consommation avaient déjà fragilisé ce secteur et ses multiples acteurs. En ce sens la Covid est un révélateur mais aussi l’occasion d’une mobilisation et d’une prise de conscience plus larges. Elle met notamment en évidence l’importance de « l’espace public » au sens politique du débat et de l’opinion et celle « des espaces publics » au sens architectural du terme avec les rues et les places, le besoin d’Etats généraux pour échanger et celui d’actions locales pour tester. C’est là, à l’extérieur des établissements que le rebond et les expérimentations ont été possibles. C’est par ces dépassements, permis par les débats et l’expérimentation in situ, que des solutions ont vu le jour.


Incompréhensions. Comme souvent en cas de crise, les interdictions ont d’abord frappé la nuit. Les établissements ont été les premiers à fermer. Ils seront les derniers à ouvrir. Le secteur a subi la double peine du confinement et du couvre-feu et les acteurs économiques et culturels ont l’impression d’être incompris. Le virus muterait-il après 20h ? Pourquoi les autorités ont-elles toujours peur de la nuit, de la fête et des jeunes. Pourquoi ne pas faire confiance aux professionnels responsables et expérimentés et laisser s’organiser des fêtes clandestines avec leurs lots de débordements et de stigmatisations associées. L’approche réglementaire semble également avoir pris le pas sur la reconnaissance des dynamiques locales. Les mesures prises de façon abrupte et « d'en-haut » le sont souvent par méconnaissance de la nuit, de la fête et de ses acteurs, de son importance accrue en termes d’économie, d’emploi, d’attractivité, de création et comme élément central de nos modes de vie et du bien-être. Pour nombre de professionnels, cette méconnaissance rime souvent avec absence de reconnaissance, voire mépris pour certaines formes artistiques et certains lieux de diffusion comme les scènes électro, rap ou métal. On peut reprocher l’approche négative de la nuit toujours abordée en termes de problèmes, de difficultés et de peur. Elle ne prend pas suffisamment en compte le travail transversal engagé localement, autour « d’Etats généraux », de diagnostics, de démarches de prévention, de plateformes d’échanges, de « conseils de la nuit », de « maires de nuit et l’invention de nouveaux outils de médiations comme les « chartes de nuit ». La question sanitaire doit être abordée de manière globale en regard d’autres dimensions centrales de la nuit, de la culture et de la fête (économie, société, culture, environnement…).


Rebond en ligne et besoin d’espace public. Au-delà des récriminations, les acteurs de la fête et de la nuit ont multiplié les initiatives tentant notamment de s’adapter avec des propositions à l’extérieur dans l’espace public ou une offre en ligne. Faisant preuve de responsabilité, de créativité et d’innovation, ils ont imaginé des agencements inédits entre établissements de tailles et d’activités diverses, secteur public et secteur privé. Dès le premier confinement, ils ont cherché à coopérer avec les autorités locales, se projeter vers demain en posant des questions d'éthique, de soutenabilité de la fête et en proposant le développement d’écosystèmes nocturnes à l'échelle de quartiers avec les résidents.


Mobilisation inédite. Elaborés en partenariat, naturellement interdisciplinaires, mélangeant acteurs du monde culturel, de la nuit, de la prévention, de la réduction des risques, représentants des pouvoirs publics, techniciens des collectivités, élus et universitaires, ces sept jours d’Etats généraux, d’ateliers, de débats et de rencontres ont permis d’établir un état des lieux sur un monde fragilisé par la crise qui résiste et s’organise. Il se structure, innove, interpelle sur les enjeux, cherche une reconnaissance et propose des pistes dans un dialogue inédit entre le local et le global, les acteurs de terrain et les autorités. En cela aussi la nuit innove et éclaire le jour.


Droit à la fête et politique de la nuit. Le Livre blanc est un « appel à la confiance » lancé vers les pouvoirs publics et les territoires. Les propositions dépassent le simple catalogue de revendications sectorielles pour faire émerger un « droit à la fête ». La réflexion transversale (santé, culture, économie, sécurité, tranquillité publique, urbanisme, développement durable, numérique, solidarité, mobilité…) permet d’esquisser les contours d’une indispensable « politique publique de la nuit » dans les villes, les quartiers, les territoires ruraux et péri-urbains et à l’échelle du pays.  Dans la pratique, des « conseils de la nuit » pourraient être déployés sur tout le territoire. A l’échelle nationale la création d’un « comité interministériel » voire d’un « parlement de la nuit » mélangeant approches empirique, technique, scientifique et politique est proposé.


Faire confiance à la nuit. La réflexion qui s’engage sous la pression de la crise sanitaire doit permettre d’échapper aux réponses binaires pour déployer une « pensée nuitale » qui invite à la mesure (« sans lumière pas de ville la nuit mais trop de lumière tue la nuit ») et oblige à la co-construction. La crise est  l'occasion de sortir par le haut et de prendre au sérieux la nuit, la culture, ses acteurs et ses espaces. La nuit a assurément beaucoup de choses à dire au jour et au futur de nos territoires. Protégeons nous et profitons-en pour imaginer ensemble les nuits de demain mais aussi les vies et les villes « qui vont avec ». Question d’imaginaire, de responsabilité et de confiance.



Luc Gwiazdzinski est géographe, Professeur à l’Ecole nationale supérieure d’architecture (ENSA) de Toulouse. Ses travaux portent notamment sur les temps de la ville, les rythmes et la nuit. Il a dirigé de nombreux programmes de recherche et colloques et publié une quinzaine d’ouvrages sur ces questions parmi lesquels : La nuit dernière frontière de la ville, L’Aube ; La ville 24h/24, l’Aube ; La nuit en questions, L’Aube, 2005 ;  Night studies, Elya ; Chronotopies, Elya ; Saturations, Elya ; Pour une politique des rythmes, EPFL


Défis et chantiers pour repenser l'action publique de proximité, Luc Gwiazdzinski

Contribution finale
Rapport du groupe de travail sur l’action publique de proximité
Assemblée des départements de France


« Trop de distance et trop de proximité 
empêche la vue ».
Pascal


Les bouleversements économiques, environnementaux, sociaux et culturels à l’oeuvre à différentes échelles dépassent la seule question des réformes administratives et territoriales.

Ils remettent au cœur des débats, le citoyen, l’habitant dans ses pratiques et ses usages. Ils permettent de rappeler qu’un territoire qui se développe, attire et dans lequel chacun se sent bien est d’abord un territoire organisé où l’on se rencontre et où l’on échange.

Le big bang des organisations et des territoires oblige à changer de regard pour repenser l’action publique de proximité, transformer les inquiétudes en défis à relever et en chantiers à engager, passer de la résistance à l’offensive et se projeter ensemble dans le nouveau siècle.


Des défis à relever

Le défi de la complexité. Nous devons nous résoudre à ne pas pouvoir saisir la totalité du temps, ‬de l‘espace qui nous entoure. Edgar Morin nous a prévenu : « la complexité est un mot problème et non un mot solution ».

Le défi de l’hypermodernité. Nous devons apprendre à penser les choses dans le sens de la complémentarité et non de l’opposition, de la complexité et non de manière binaire et sectorielle.

Le défi du temporaire, du mobile, du labile et de l’intermittent. Dans une société des flux et de la mobilité, il paraît illusoire de vouloir faire coïncider l’urbs et la civitas dans une énième tentative de délimitation du «territoire pertinent» et de son mécano institutionnel. Les politiques publiques doivent passer d’une logique de stock à une logique de flux en intégrant les agencements et assemblages temporaires, mobiles, labiles et intermittents à leurs logiciels d’observation et de gestion.

Le défi de l’hybridation. Nous devons apprendre à penser la polyvalence et l’hybridation des lieux, des temps et des organisations. Les tiers lieux, le tiers paysage sont d’autres manières d’aborder le mondes, d’autres représentations et réponses possibles.

Le défi de l’ouverture et de la coopération. Les territoires et leurs acteurs ont besoin de tisser des alliances et de monter des projets en collaboration, de co-élaborer, de partager et de co-construire à toutes les échelles.

Le défi de l’intelligence territoriale. Il faut passer d’une approche sectorielle à une intelligence collective des systèmes dynamiques complexes. Cette intelligence territoriale peut prendre la forme de plateformes d’innovation ouvertes, de fabriques territoriales qui permettent de travailler avec l’ensemble des parties prenantes sur de nouveaux imaginaires et sur l’émergence d’une nouvelle citoyenneté.

Le défi des récits pluriels. Dans un cadre en mutation, il faut construire de nouveaux récits fédérateurs à l’échelle de nos vieux pays, territoires, métropoles et quartiers.

Le défi de l’expérimentation. Face aux doutes et à la complexité, les réponses attendues sont davantage des réponses en termes d’expérimentations même modestes que de discours.

Le défi de l’intérêt général. Les recompositions en cours obligent à repenser la notion centrale d’« intérêt général » dont l’Etat était le dépositaire et de sa « relocalisation » éventuelle à une échelle suffisante pour permettre les arbitrages.

Le défi de la démocratie et de la confiance pour des citoyens augmentés. Le futur des relations entre temps, espace et habitants temporaires nécessite d’accepter une certaine « infidélité territoriale » et de construire de nouveaux « contrats de confiance » entre les différents acteurs, fussent-ils à durée limitée et renouvelables à toutes les échelles de la fabrique territoriale (lecture, écriture et gestion) notamment pour celles et ceux qui vivent à l’écart des métropoles et craignent l’émergence de nouvelles frontières et le déclassement.


Des chantiers et des leviers

Les défis à relever doivent être transformés en leviers de l’action publique de proximité et en chantiers   à différentes échelles :

- Le premier chantier concerne les échelles temporelles de la démocratie locale. Face à l’éclatement des temps, des espaces et des mobilités, nous aurions intérêt à refonder nos institutions autour de l’idée d’une « citoyenneté présentielle » qui prenne notamment en compte le fait que nous sommes désormais des individus polytopiques et que nous votons là où nous dormons et non là où nous vivons éveillés. Nous pourrions imaginer devenir les « citoyens temporaires » des espaces dans lesquels nous passons du temps. Mais nous ne sommes pas encore prêts à imaginer les contours d’un système qui mettrait en valeur « l’ici et maintenant » et la « situation » au sens de Guy Debord, loin du traditionnel contrôle d’un territoire aux limites strictes avec ses frontières, ses financements et ses élus. Pourtant les occupations d’espaces publics pour des manifestations spectaculaires mais également « l’élection de maires de nuit » à Paris, Toulouse et Nantes obligent à réfléchir à un autre rapport à l’espace et au temps et au temporaire.

- Le second chantier très lié concerne les échelles territoriales de la démocratie locale. Il repose sur l’analyse du système territorial français qui croisait la vision froide de l’Etat arbitre et la capillarité fine de la commune héritière de la paroisse et échelon de base de la démocratie. Nous avions écrit ailleurs (Gwiazdzinski, Rabin, 2008) : « avec la montée de l’intercommunalité et l’effacement progressif de l’Etat, nous risquons d’assister à la disparition des maires, derniers gardiens de la République et d’une certaine idée de la France. Avec cette disparition, nous risquons de tout perdre à la fois : la capacité d’intervenir sur le long terme et d’arbitrer à une échelle supérieure dans le sens de l’intérêt général avec l’Etat et la capacité de gérer les problèmes quotidiens au plus près, c'est-à-dire à l’échelle de la commune ou du quartier avec le maire ».
La question de la présence de l’Etat ne se pose malheureusement plus, tant elle s’est étiolée sur les territoires. La question des communes et de la démocratie locale reste posée notamment dans les grandes villes et les futures métropoles où le citoyen est nécessairement éloigné des élus. Pour l’instant, dans les grandes villes, le seul élu à l’échelon des quartiers reste le Conseiller général avec des compétences différentes. La dérive vers un scénario européen d’éloignement et de désincarnation du pouvoir n’est pas loin.

Dans les systèmes métropolitains, il faut donc réfléchir à l’approfondissement de la loi PLM et à la construction d’unités démocratiques de base (10 à 20000 habitants), pendants urbains des communes rurales aux moyens et compétences désormais limités avec la montée de l’intercommunalité. Légitimes car élus à cette échelle sur la base d’une campagne électorale de proximité, les maires de quartiers urbains pourraient devenir les acteurs et organisateurs de démarches de développement local à l’instar de ce qui existe en milieu rural et accueillir les initiatives de démocratie participative.

- Le troisième chantier lié au big-bang territorial concerne des organisations particulières dont on parle très peu dans les différentes réformes et qui participent à l’action publique de proximité : les agences, associations… Ces « faux nez », (agence d’urbanisme, de développement, des mobilités…), outils armés des collectivités, interviennent dans des domaines importants comme le développement économique, l’aménagement et l’urbanisme. Leurs actions sont bien souvent illisibles pour les citoyens qui ignorent ce qu’apportent ces services et qui sont les financeurs.

Ces outils anticipent un décrochage entre le contrôle territorial et les dispositifs d’action parapublics. Soit ils seront broyés par le jeu des nouvelles plaques tectoniques de la réforme territoriale avec notamment une redistribution claire des rôles et des moyens, soit ils prendront un rôle central en devenant les acteurs  techniques de l’inter-territorialité, des outils d’une ingénierie territoriale partagée multiscalaire. Le second scénario est le plus probable d’autant que ces structures - quand elles épousent les limites des territoires établis (Région, Département…) - peuvent rassurer voire servir au maintien d’anciens réseaux et pouvoirs malgré la disparition de la collectivité à laquelle elles étaient liées. Avant la fusion des régions, on risque par exemple de voire se multiplier des agences régionales permettant aux systèmes en place de se maintenir. Dans tous les cas, les rôles, les fonctions, le pilotage et la gouvernance de ces organisations devront être examinés et mis en débat pour un grand public qui ignore jusqu’à leur existence.

- Le quatrième chantier concerne la définition de nouveaux contrats de confiance territoriaux nécessairement temporaires entre les citoyens, leurs élus, et leurs organisations techniques. Le mandat représentatif ne suffira plus à assurer la solidité d’un système territorial multiscalaire. Des coalitions sous forme de contrats, de pactes devront sans doute prendre le pas sur les logiques d’institution afin de gérer l’entre-deux, l’hybride et l’inter.

- Le cinquième chantier est celui du confort territorial, une notion qui doit permettre de repenser un service public de proximité remis notamment en cause par les mobilités, les tic et l’affaissement des ressources publiques et questionné par une demande nouvelle de la population en termes de bien-être voire de bonheur individuel.

- Le sixième chantier concerne le déploiement de nouvelles formes nouvelles de l’action publique, l’innovation ouverte, le design des politiques publiques et les outils qui permettent la partage des diagnostics, la co-construction des politiques, l’expérimentation et la co-évaluation. La diminution des moyens, la mise en place d’un nouveau logiciel, nécessiteront d’inventer de nouvelles formes d’action publique. La figure du territoire comme plateforme d’innovation ouverte permettrait de refonder une organisation et une action publique et d’imaginer un nouveau design des politiques et des territoires.  Les savoir-faire développés dans les démarches de développement local, les différents programmes d’initiatives communautaires et les réflexions actuelles autour de Living lab ou de Fab lab territoriaux vont dans ce sens.

- Le septième chantier concerne le personnel des collectivités. Il prend en compte le besoin de formation au design des politiques publiques, à l’innovation et à la créativité territoriale, leur capacité à imaginer et mettre en place les outils et politiques de l’action publique de demain. Il intègre également la gestion de ces équipes, de leurs compétences et les transferts de savoir-faire dans un contexte d’incertitude et de recomposition. Il intègre également la possibilité de constitution d’équipes mobiles d’interventions sur des chantiers d’innovation.

- Le huitième chantier concerne le temps long de l’aménagement du territoire et de la prospective. Il est intéressant de noter que face aux mutations de nos espaces et de nos temps, les réponses qui s’élaborent le sont dans des dimensions très particulières de l’espace et du temps : l’urgence et la proximité. Elles vont à l’encontre des réponses proposées autrefois par nos organisations et la modernité : le temps long du politique et l’espace profond de l’aménagement. La nécessaire souplesse de nos organisations, leur adaptation, ne peuvent nous exonérer d’une réflexion prospective qui permette de donner du sens à l’action publique et d’une refonte de l’aménagement du territoire qui permette de fixer des caps et de poser quelques balises dans le sens de l’intérêt général. La dialectique local-global, particulier-général, urgence-temps long, émotion-raison, développement local et aménagement du territoire peut et doit être repensée.

- Le neuvième chantier concerne le marketing territorial et ses limites. Si les démarches de développement local sont des moteurs du développement, le territoire n’est pas un yaourt. Ce n’est pas l’espace isotrope, homogène et lisse que l’on voudrait nous donner à consommer. C’est une réalité humaine et sociale complexe, un espace habité qui ne peut se résumer à une image et un slogan. C’est un espace complexe, rocailleux, qui demande du temps pour être traversé, domestiqué, approprié. L’identité territoriale ne peut se résumer à des clichés.

- Le dernier chantier est celui de « l’imagibilité » et de la réassurance territoriale c’est à dire de la capacité des pouvoirs publics et des élus à rendre rapidement intelligibles pour tous les nouveaux principes, les nouveaux dispositifs et les nouvelles organisations imaginées. C’est une question de représentation et d’ergonomie des politiques publiques. C’est une question démocratique. Chaque citoyen doit pouvoir les comprendre, se les approprier rapidement afin qu’une insécurité spatiale et territoriale ne s’ajoute pas à l’insécurité économique et sociale qui mine notre société et suscite des tentations de repli.

Il est peut-être possible de contredire le prince de Talleyrand « Quand c’est urgent, c’est déjà trop tard ».


(*) Luc Gwiazdzinski est géographe. Enseignant en aménagement et urbanisme à l’Université Joseph Fourier de Grenoble (IGA), il est responsable du Master Innovation et territoire et Président du Pôle des arts urbains. Chercheur au laboratoire Pacte (UMR 5194 CNRS) associé au MoTU (Université Biccoca et Politecnico de Milano) et à l’EREIST (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne), il oriente des enseignements et ses recherches sur les questions de mobilité, d’innovation métropolitaine et de chrono-urbanisme. Expert européen, il a dirigé de nombreux programmes de recherché, colloques internationaux, rapports, articles et ouvrages sur ces questions : Urbi et Orbi. Paris appartient à la ville et au monde, 2010, L’Aube ; Nuits d’Europe, 2007, UTBM ; Périphéries, 2007, L’harmattan ; La nuit dernière frontière de la ville, 2005, l’Aube ; Si la ville m’était contée, 2005, Eyrolles ; La nuit en questions (dir.), 2005, l’Aube ; La ville 24 heures /24, 2003, L’Aube. Il a également dirigé une agence des temps et des mobilités, une agence de développement et une agence d’urbanisme et développement durable.


Citer l’article :
Gwiazdzinski L., 2014, « Défis et chantiers pour repenser l’action publique de proximité », Contribution au rapport Regards croisés sur l’action publique de proximité. Mobiliser les expertises pour préparer l’avenir des territoires, Algoé consultants, Assemblée des départements de France, Paris, octobre 2014, 65p.


Contact :
luc.gwiazdzinski@ujf-grenoble.fr



Grenoble, octobre 2014

Insécurités territoriales, Luc Gwiazdzinski & Gilles Rabin, Libération, 3 novembre 2014

Après avoir abandonné la souveraineté budgétaire et monétaire à l’Europe pour un gain politique et économique dérisoire, l’Etat français s’apprête à rétrécir encore dans la précipitation et l’improvisation des réformes mal engagées.
Course à l’abîme. L’Etat se déshabille. Il est bientôt nu. Lui, qui s’occupait du temps long, de l’aménagement d’un territoire profond et de l’intérêt général, semble soumis à la dictature du court terme, de l’urgence, de la proximité et de l’émotion. Dans un double mouvement, les fondements d’une Nation construite autour de la République et de l’Etat s’effritent. Les valeurs républicaines semblent passées de mode, et l’Etat se solde lui-même pour des raisons budgétaires auxquelles la réforme territoriale ne répondra pas.

Que va-t-il rester comme socle de la cohésion nationale en pleine crise économique, sociale et identitaire ? Pourquoi ajouter une insécurité territoriale à l’insécurité économique et sociale ambiante ? Dans un contexte en mutation où tous les repères sont bousculés, on ne modifie pas sans risques l’Etat et les territoires, figures de réassurance dans un monde incertain.

Mécano peu républicain. Le processus se traduit, notamment, par la perte de compétences de l’Etat et l’émergence concomitante d’étranges configurations territoriales qui composent un nouveau mécano institutionnel : la «grande région» censée être mieux adaptée à la compétition européenne ; la figure hybride du «département rural» contrepoids politique à une nouvelle vision urbaine de la France représentée par les «métropoles». En l’absence de stratégie cohérente à long terme, la négociation qui se déroule au jour le jour, au gré des jeux politiciens et du lobbying crée un sentiment de malaise et déstabilise.

L’Etat laisse de la place aux régions, qui n’en demandaient pas tant, et tente de rassurer les départements un temps condamnés et déshabillés par la création des métropoles. Personne ne comprend plus rien à la réforme, et les arguments avancés ne tiennent pas.

L’Etat «gaudille» en promettant de nouvelles compétences aux régions, autorités organisatrices des transports, développement économique et innovation, et même de l’emploi. Dans le même temps, il n’apporte aucun éclairage sur les ressources propres et sur une fiscalité régionale indépendante qui devrait, naturellement, accompagner ce transfert de compétences. Rentier pathétique, l’Etat, aux abois, lâche ses compétences mais tente de conserver le pouvoir à travers la maîtrise des cordons de la bourse. La vente à la bougie ne fait pourtant que commencer.

L’Etat solde, et tout semble devoir disparaître. Sous prétexte d’économie, la facture économique, sociale et culturelle finale risque d’être lourde.

Le fantasme «viril» de la taille des régions ne tient pas non plus. Une région est-elle vraiment plus forte et compétitive parce qu’elle pèse dix millions d’habitants ? Le Land de Hambourg est-il moins compétitif que la région de Catalogne ?

Si l’argument de la taille était recevable, pourquoi a-t-on créé des métropoles qui affaiblissent le pouvoir économique, politique et démographique des nouvelles grandes régions, comme la métropole parisienne en Ile-de-France ou Lyon et Grenoble en Auvergne-Rhône-Alpes. L’intérêt pour les citoyens, qui voient, à nouveau, s’éloigner les pouvoirs et les services, n’est pas immédiatement lisible. De leur côté, les acteurs économiques regardent le paysage se complexifier sans vraiment pouvoir en mesurer les avantages et les inconvénients.

Naufragés médusés. Face à cet abandon par l’Etat en rase campagne, les territoires déboussolés cherchent naturellement ailleurs des références entre le tribalisme à l’écossaise et l’ivresse du grand large incarné par des métropoles mondialisées. Naufragés, comme médusés, ils se laissent séduire par les figures d’un darwinisme territorial.

L’Ecosse et la Catalogne sont des figures vivantes de la première tentation. Quand on a le pétrole ou l’innovation, pourquoi dépendre d’un Etat qui n’apporterait que des contraintes aux plus riches au profit des plus pauvres. La Bretagne et l’Alsace, bâties sur leurs socles identitaires, ne disent rien d’autre. Lorsque les amarres avec l’Etat sont coupées, les plus forts peuvent manger les autres.

Dans un même mouvement, la «bouée métropolitaine» serait l’autre figure d’espoir. Les grandes agglomérations représenteraient l’intégration réussie, face à une ruralité qui s’effondrerait sur elle-même, coincée entre les barrages, les aéroports inutiles et les déserts peuplés d’usines à mille vaches dans un maillage relictuel de bourgs et de villes moyennes exsangues.

Archaïsmes. La carte qui s’esquisse peu à peu est celle d’un territoire formé de grandes régions lointaines, égoïstes et jacobines autour d’une capitale régionale et de son gouvernement, une France structurée par un archipel de métropoles irriguant des arrière-pays en voie de désertification. Les départements rescapés géreront l’entre-deux ou seront remplacés par des échelons techniques décentralisés de grandes régions. Survivants symboliques sacrifiés sur l’autel de l’intercommunalité et derniers remparts de la République, parés de toutes les vertus de la proximité mais désormais sans pouvoirs, les maires finiront de disparaître dans la nostalgie.

Ce choix est une erreur politique et économique. Erreur politique car la géographie se venge. Des territoires construits autour de réseaux de villes moyennes démontrent que l’action raisonnée et raisonnable porte ses fruits à long terme. Erreur économique car le «monde est plat» et l’intelligence collective a remplacé les économies d’échelle. Il n’y a pas de déterminisme dans l’économie. Le nomadisme des élites, couplé à la qualité de vie de nos territoires, est le garant d’un développement maîtrisé.

La République à la carte, qui se dessine à travers la fuite de l’Etat et la désorganisation des territoires, aura bien du mal à faire vivre, au quotidien, les principes qui ornent encore les frontons de certains de nos édifices publics : «Liberté, Egalité, Fraternité». Pire, dans une Europe «germanisée» où même les Etats fédéraux revendiquent des actions jacobines et où les territoires fleurissent autour de microprojets, la France prend du retard quand elle parie sur le gigantisme et l’urbain non maîtrisé.

Luc Gwiazdzinski, Gilles Rabin


Auteurs de : «la Fin des maires. Dernier inventaire avant disparition», FYP Editions, 2008 et «Urbi et Orbi Paris appartient à la ville et au monde», éditions de l’Aube, 2010.

La révolution de Paris. Sentier métropolitain ?

Lavessière Paul Hervé, 2013, La révolution de Paris. Sentier métropolitain, Editions Wildproject, vient de paraître
http://www.wildproject.org/revolutiondeparis

Préférez l'original datant de 2007


Gwiazdzinski L., Rabin G., 2007, Périphéries. Un voyage à pied autour de Paris, carnets de ville, L'Harmattan

http://www.decitre.fr/livres/peripheries-9782296031920.html

http://www.franceculture.fr/oeuvre-périphéries-un-voyage-à-pied-autour-de-paris-de-luc-gwiazdzinski-gilles-rabin.html

Programme des 10èmes rencontres franco-suisse des urbanistes sur le temps, Lausanne, 5 juillet 2013



Urbanistes des Territoires
Association des Professionnels de l’Urbanisme des Collectivités et Territoires
FSU Section romande
Fédération suisse des urbanistes
10ème Rencontre franco-suisse des urbanistes
Vendredi 5 juillet 2013

Université de Lausanne – Quartier Sorge - Bâtiment Génopode Metro M1 , Arrêt UNIL Sorge – Autoroute A1, Direction Lausanne Sud, Sortie UNIL EPFL
Plan d'accès : http://planete.unil.ch/


Concevoir la ville pour vivre le temps

Aujourd'hui, de multiples temporalités urbaines, générées tant par la ville elle-même que par ses résidents, interfèrent avec l'organisation du territoire. Ainsi, le temps et l'espace se combinent pour modeler nos métropoles et ont fait naître de nombreux concepts tels que chronoaménagement, accessibilité, proximité, banques du temps, maison des temps, etc.
Penser la ville, c'est se confronter aux "prescripteurs de temps" qui l'habitent et à la pluralité des temps sociaux qui la régissent. Ainsi, concepteurs et gestionnaires doivent s'approprier les différents rythmes urbains afin de créer l'espace nécessaire à la synchronisation des temps individuels ou collectifs.
Au cœur du débat sur le projet urbain se posent les questions de la qualité du temps perçu et de l'intensité du temps vécu. Cependant, à l'heure de la ville connectée, l'ère du "tout en même temps" n'est-elle pas venue? L'enjeu de la "ville hors ligne" ne préfigure-t-il pas la révolution temporelle de demain?
Lors de cette rencontre, des urbanistes et des chercheurs suisses et français débattront de l'articulation entre temps et territoires. Ils s'efforceront, à l'aide d'exemples concrets et d'analyses plus théoriques, de mettre en évidence les liens entre l'agencement de lieux ou de réseaux et les temporalités des citadins.

Cette 10ème Rencontre franco-suisse des urbanistes, toujours bien amarrée sur les rives du Lac Léman, s'adresse en priorité aux professionnels de l'urbanisme. Les enseignants, les étudiants, les curieux et tous ceux qui s'intéressent aux temporalités urbaines sont les bienvenus.

Organisation
Urbanistes des Territoires (UT)
Fédération suisse des urbanistes, section romande (FSU)
Institut de Géographie et Durabilité (IGD)
Observatoire universitaire de la ville et du développement durable (OUVDD)
Inscription gratuite et obligatoire - Repas sur place à charge des participants
www.urbanistesdesterritoires.com www.unil.ch/ouvdd www.fsu-r.ch

Renseignements - Documents - Inscription
www.unil.ch/ouvdd
Inscription jusqu’au 21 juin 2013
Lou Herrmann, OUVDD et IGD
lou.herrmann@unil.ch
Renseignements complémentaires France : Bernard Lensel, UT
blensel@yahoo.fr
Suisse : Thierry Merle, FSU / UT thierry.merle.urba@gmail.com

Urbanistes des Territoires
Association des Professionnels de l’Urbanisme des Collectivités et Territoires
FSU Section romande
Fédération suisse
des urbanistes

Grand témoin
Luc Gwiazdzinski, géographe – Grenoble – France
Luc Gwiazdzinski est géographe, enseignant en aménagement et urbanisme à l’Université Joseph Fourier (IGA), responsable du Master Innovation et territoire (www.Master.fr) et chercheur au laboratoire Pacte (UMR 5194 CNRS) à Grenoble. Il a dirigé de nombreux programmes de recherche et colloques internationaux sur les temps de la ville et publié plusieurs ouvrages parmi lesquels : La ville 24h/24, 2003, Editions de l’Aube ; Si la ville m’était contée, Eyrolles ; La nuit, dernière frontière de la ville, 2005, Editions de l’Aube ; La nuit en questions, 2007, Editions de l’Aube ; Périphérie, 2007, l’Harmattan ; Si la route m’était contée, 2007, Eyrolles ; La fin des maires, FYP Editions ; Urbi et Orbi, 2010, Editions de l’aube.
Voir notamment articles en ligne :« Temps et territoires : les pistes de l’hyperchronie », revue Territoires 2040, n°6, 2012, p. 76-97 / http://territoires2040-datar.com/spip.php?article221« Redistribution des cartes dans la ville malléable », revue Espace, populations, société, n°2-3, 2007, p. 397-410 / http://eps.revues.org/index2270.html« La ville malléable », in La ville adaptable, insérer les rythmes urbains, 2012, Europan, p.10-14 / http://rp.urbanisme.equipement.gouv.fr/puca/concours/E12_theme.pdf


Vers un urbanisme des temps

L’espace est la forme de ma puissance, le temps est la marque de mon impuissance.
 Jules Lagneau

Le temps est longtemps resté le parent pauvre des réflexions sur le fonctionnement, l’aménagement ou le développement des villes et des territoires au bénéfice de l’aspect matériel. Aujourd'hui, les horaires et les calendriers d’activités des hommes et des organisations donnent le tempo, règlent l’occupation de l’espace et dessinent les limites de nos territoires vécus, maîtrisés ou aliénés.
Ces mutations ont transformé notre rapport à l’espace et au temps. Les cadres spatio-temporels classiques de la quotidienneté, les limites des territoires et les calendriers d’usage ont explosé. Chacun jongle avec le temps entre sa vie professionnelle, familiale et sociale, son travail et ses obligations quotidiennes. De nouvelles inégalités apparaissent entre populations, organisations et territoires inégalement armés face à l’accélération et à la complexification des temps sociaux.
Désormais, il s'agit de prendre en compte les rythmes dans l’observation et l’aménagement. Il faut construire une « rythmanalyse », dont Henry Lefebvre avait bien mesuré les enjeux, et convoquer chorégraphes et musiciens à ces « danses de la ville ». Dans une logique de développement durable, nous devons également réfléchir à un «urbanisme temporaire» qui s’intéresse aux modes d’occupation partiels des espaces et temps de la ville. Il est aussi nécessaire de prendre en considération les « calendriers » et de coordonner les activités afin d’assurer la polyvalence et la modularité des espaces autour de l’idée de « ville malléable ».

Résumé d'après un texte de Luc Gwiazdzinski.


Programme : 



08h00. 
Accueil – Café croissants



08h45 – 09h00. Mots de bienvenue
Emmanuel Reynard - Directeur de l'Institut de Géographie et Durabilité de
l'Université de Lausanne, Professeur ordinaire de Géographie Physique
Pierre Yves Delcourt - Président de la Fédération Suisse des Urbanistes - Section romande
Bernard Lensel - Président d’Urbanistes des Territoires (France) 

09h00 – 09h15.
Luc Gwiazdzinski, géographe – Grenoble – France
Introduction de la journée

09h15 – 10h15. 
Sandra Bonfiglioli, professeur de Planification Territoriale et Urbaine - Italie
Politecnico di Milano, initiatrice de la doctrine urbanistique des espaces-et-temps de la ville (LabSat, 1985, Politecnico di Milano), Milan
Pourquoi les temps sont-ils un problème urbain ?

Jean-Michel Evin, directeur général et Gabriel Jourdan, urbaniste - France
Agence d'urbanisme de la région grenobloise, Grenoble
Espaces, temps et mobilités : entre constances et ruptures

Luc Gwiazdzinski, géographe – Grenoble – France
Eclairage et débat


10h15 – 11h15
Peggy Buhagiar - France
Responsable Recherches-Actions - Pôle Usagers Qualité et Temps / DUCT - Mairie de Paris
Ville de Paris : usages et temps

Lucie Verchère, psychologue - France
GRANDLYON - Chargée de mission "temps et services innovants", Lyon
http://www.espacedestemps.grandlyon.com http://www.scoop.it/t/les-temps-de-la-ville
Quand le GRANDLYON explore le temps pour incuber des services innovants

Guillaume Drevon, doctorant en géographie – France / Luxembourg
UMR PACTE 5194, Université de Grenoble - CNRS, Grenoble, France CEPS/INSTEAD, Geography and Development Department (GEODE), Esch- sur-Alzette
Temps et mobilités quotidiennes des frontaliers. Le cas de la région métropolitaine luxembourgeoise

Olivier Klein, chargé de recherche en géographie - Luxembourg
CEPS/INSTEAD, Pôle Géographie et Développement, Esch-sur-Alzette
Géovisualisation des espace-temps quotidiens : propositions d'outils d'aide à la réflexion

Florent Cholat et Géraldine Durieux, étudiants master - France
Etudiants en Master 2 Sciences du Territoire parcours Innovation et Territoire Institut de Géographie Alpine, Université Joseph Fourier - Grenoble 1
Temps et mobilités des jeunes et des personnes âgées

Luc Gwiazdzinski, géographe – Grenoble – France
Eclairage et débat


12h30-14h30
Repas sur place


14h30-14h45
Luc Gwiazdzinski, géographe – Grenoble – France

Synthèse du matin et introduction du programme de l'après-midi

14h45-16h00
Sandra Mallet, maître de conférences - France
EA 2076 Habiter, Institut d'Aménagement des Territoires, d'Environnement et d'Urbanisme Université de Reims Champagne-Ardenne
Quelle(s) temporalité(s) dans les projets urbains dits "durables"?

Michèle Tranda-Pittion, docteur en art de bâtir et urbanisme - Suisse
Architecte EPFL, urbaniste FSU, Bureau TOPOS, Genève
Temporalités du projet urbain et jeux d'acteurs

Lionel Chabot, architecte paysagiste et géographe aménagiste - Suisse
Exerce à titre indépendant, Genève
Les aménagements papillons - nouvel outil stratégique d'aménagement urbain ?

Luc Gwiazdzinski, géographe – Grenoble – France
Eclairage et débat

16h00 – 17h00

Olivier Français, municipal des travaux – Lausanne – Suisse
Témoignage d'un élu

Luc Gwiazdzinski, géographe – Grenoble – France
Vers un urbanisme des temps 
Débat

17h00 - 18h00
Clôture de la journée
Café de l'amitié

Exploration des limites de la métropole grenobloise (www.masteriter.fr)


Fabrique métropolitaine de Grenoble


Les étudiants du Master Innovation et territoire (www.masteriter.fr) ont parcouru à pied les limites de la métropole grenobloise, éprouvant les coupures et les coutures.
Au-delà du mécano institutionnel, une métropole, c'est avant tout des hommes et des femmes qui vivent à cette échelle.

http://explorationlimitesmetrogrenoblemasteriter.fr/index.html




Fabrique métropolitaine de Grenoble


Les étudiants du Master Innovation et territoire (www.masteriter.fr) ont parcouru à pied les limites de la métropole grenobloise, éprouvant les coupures et les coutures.
Au-delà du mécano institutionnel, une métropole, c'est avant tout des hommes et des femmes qui vivent à cette échelle.

http://explorationlimitesmetrogrenoblemasteriter.fr/index.html




Fabrique métropolitaine de Grenoble


Les étudiants du Master Innovation et territoire (www.masteriter.fr) ont parcouru à pied les limites de la métropole grenobloise, éprouvant les coupures et les coutures.
Au-delà du mécano institutionnel, une métropole, c'est avant tout des hommes et des femmes qui vivent à cette échelle.

http://explorationlimitesmetrogrenoblemasteriter.fr/index.html



40 ans, Le périphérique au coeur



25 avril 2013, par Babel Photo
40 ans – Le périphérique au coeur
Luc Gwiazdzinski
 25 avril 1973 / 25 avril 2013 - le périph célèbre ses 40 ans aujourd'hui.

« Dans quelques jours, faire le tour de Paris en voiture sans rencontrer un seul feu rouge ne sera plus un rêve ». C’est en ces termes qu’en 1973, le journaliste vedette Léon Zitrone annonça aux français installés devant leur poste de télévision noir et blanc, l’inauguration du boulevard périphérique parisien. L’anneau de béton a donc quarante ans. Anniversaire oblige : l’infrastructure extérieure s’invite un temps dans les conversations capitales. La marge éclaire le centre et nous invite à dépasser les bornes. Le pas de côté permet l’émergence d’un débat plus large sur la métropole parisienne à différentes échelles, entre compétitivité et solidarité, fluidité et urbanité, développement et besoin de nature. On nous annonce la fin de périphérique et le périphérique n’a jamais été aussi présent.
Chacun d’entre nous, usager, passager, habitant de la zone périphérique, est un témoin de sa vitalité. Avant de l’enterrer, il est temps aujourd’hui d’évoquer son rôle central dans la vie quotidienne de millions de personnes et d’imaginer les futurs possibles à l’échelle de Paris et sa région.

Symbole ambigu
Butte témoin de notre histoire récente, le périphérique est dès son origine un objet urbain paradoxal qui marque à la fois le sommet des Trente glorieuses et le début d’une période de crise permanente dont nous ne sommes jamais sortis. Il est un emblème de la modernité dans un vieux pays nostalgique qui ne croit plus au progrès et aux lendemains qui chantent. Il est aussi le symbole d’une société de la consommation et de l’automobile dont nous avons perçu les limites. Depuis son inauguration par le premier Ministre Pierre Mesmer le 25 avril 1973, son image a bien changé. L’autoroute urbaine la plus empruntée d’Europe est désormais synonyme de nuisances. Artère essentielle et frontière palpable, le périphérique irrigue et ceinture une ville à l’étroit qui rêve d’un avenir métropolitain soutenable. Construit sur les anciennes fortifications, le « périph » qui a succédé aux « fortifs » est très souvent perçu comme une barrière, un mur entre Paris et la banlieue, ceux du dedans et ceux du dehors. Mieux, le périphérique semble un frein aux ambitions d’un Grand Paris qui sait désormais que son avenir est aussi sur les marges, hors les murs. La mise à l’échelle de Paris passe par le dépassement du périphérique, son intégration urbaine et métropolitaine.

Dernière frontière
Depuis quelques temps, on se met à rêver de la frontière coupure en frontière couture. Le périphérique apparait comme une nouvelle terre promise pour une métropole à l’étroit qui veut dépasser les bornes pour réconcilier l’Urbs et la Civitas, ré-articuler la ville fonctionnelle et la ville administrative, améliorer la vie quotidienne des habitants et conserver son rang dans le classement des villes mondes. Après avoir envisagé de limiter la vitesse à 70 km/h, on parle désormais de couvrir le boulevard, d’y installer une canopée solaire voire une exposition universelle qui permettrait d’y développer des services, des équipements et des jardins. Au-delà des discours, les coûts de couverture élevés et la perspective peu attractive d’un parcours de 35 kilomètres en sous-sol semblent condamner à l’avance l’enterrement de première classe du périphérique. L’actualité serait plutôt aux petits tricotages permettant de retisser le lien entre la ville et la banlieue en continuant à profiter par endroit des perspectives métropolitaines. On cherche à estomper l’impact d’une infrastructure essentielle que l’on ne peut faire disparaître en multipliant les liaisons de part et d’autre, en équipant les portions couvertes et en végétalisant. La couverture de la Porte des lilas avec son jardin, son cinéma et son école de cirque est une figure intéressante de ce futur périphérique qui s’esquisse.
Le nouveau jardin Anna Marly avec ses pelouses, ses jardins partagés et ses terrains de sport dans le XIVe arrondissement creuse cette voie. On cherche aussi à tisser des liens sous l’anneau de béton là où le périphérique est suffisamment haut avec par exemple un projet de place publique dans le XVIIe arrondissement. Dans le XIXe, on plante des milliers d’arbres de part et d’autre de l’infrastructure et l’on enchante le projet en évoquant - avec un lyrisme qui rappelle Jean Giono - l’émergence d’une « forêt linéaire ». Ailleurs on réfléchit à de nouvelles passerelles et passages : une maille à l’envers, une maille à l’endroit. Nous rêvons personnellement que les nuits parisiennes puissent également trouver là un autre lieu de déploiement et d’exténuation à la hauteur des ambitions de la ville lumière, un espace où chacun puisse vivre sa nuit sans réveiller l’autre.

Occasion d’innover
Le périphérique est à l’image d’une société paradoxale, où dans la même journée chacun change d’avis et de costume et exige tout et son contraire. Au moment où l’automobile mute vers moins de nuisances et alors que les réseaux deviennent intelligents, son aménagement est un symbole et un test pour Paris, les communes limitrophes et l’ensemble de la région. Le chantier qui s’ouvre est ambitieux et doit permettre de concilier les enjeux de desserte et les enjeux d’habitation, prendre soin des 300 000 personnes qui passent un peu de leur temps sur le ruban d’asphalte sans oublier les 100 000 personnes qui résident à proximité. Frontière intérieure du Grand Paris qui émerge, le périphérique ne doit pas seulement être perçu comme une contrainte.

C’est une chance pour Paris et les communes d’expérimenter avec l’ensemble de la population de nouvelles formes d’habiter les architectures de la mobilité. Entre ville mobile et ville nature, circuler et résider, le périphérique est un formidable laboratoire, un terrain d’aventure pour une nouvelle ingénierie urbaine, un objet hybride pour un nouvel imaginaire métropolitain. Le périphérique parisien est l’occasion d’esquisser les contours d’une nouvelle « métropolité » entre local et international, habitants et résidents, Urbi et Orbi. Le boulevard périphérique n’est pas qu’un simple ruban de bitume et de béton. C’est un monument, un rite, un symbole qui cristallise les enjeux d’une société en mouvement. Le périphérique est un monde habité. A nous de l’urbaniser.


Luc GWIAZDZINSKI est géographe et le préfacier du livre Périphérique, Terre promise.
Enseignant-chercheur en aménagement et urbanisme à l’Université Joseph Fourier de Grenoble il est responsable du master Innovation et territoire et président du Pôle des arts urbains. Il oriente ses enseignements et ses recherches sur les questions de métropolisation, de mobilité, d’innovation et de chrono-urbanisme. Expert européen, il a dirigé de nombreux programmes de recherche, colloques internationaux, rapports, articles et ouvrages sur ces questions avec l'économiste Gilles Rabin : Urbi et orbi, 2010, l’Aube ; La fin des maires, 2007, FYP ; Si la route m’était contée, 2007, Eyrolles ; Nuits d’Europe, 2007, UTBM, Périphéries, un voyage à pied autour de Paris, 2007, l’Harmattan ; La nuit dernière frontière de la ville, 2005, l’Aube ; La nuit en questions (Dir.), 2005, L’Aube ; La ville 24h/24, 2003, l’Aube (…) /
http://estran-carnetsdetonnement.blogspot.com/